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Section sous la responsabilité de
Anne-Sophie Coiffet
Violette Pouillard

Violette Pouillard : Ce dossier de Captures s’intéresse notamment à la façon dont les figurations artistiques et littéraires des animaux sont, ou non, susceptibles d’ouvrir des voies d’accès privilégiées aux mondes animaux, et aux relations avec les animaux. Avec ces œuvres, souhaitais-tu ouvrir des portes sur les animaux ainsi que sur les rapports avec eux?

Eric Pillot : Oui, il s’agissait bien pour moi de profiter de ces univers clos pour tenter d’ouvrir des portes : la façon dont on peut montrer des animaux dans un zoo est révélatrice de notre rapport à l’animal, plutôt ici à l’animal « sauvage », exotique. La place de l’animal dans notre imaginaire m’intéresse aussi beaucoup, et j’ai essayé de représenter quelque chose de l’« animal en nous », dans toute sa diversité : celui que nous pouvons caresser, choyer, craindre… celui des contes, des mythes, et des livres pour enfants.

V. P. : Jean-Christophe Bailly a écrit à propos de Gilles Aillaud que ce dernier « observait comment, du sein de cet exil dans la visibilité » qu’est le zoo, « les animaux parvenaient malgré tout à se retirer pour donner consistance à leur pur et simple étrangement, à leur singularité, dans une sorte d’innocence désespérée » (Bailly, 2013: 28). Tes photographies semblent, de même, laisser place aux structures de l’enfermement, autant qu’aux animaux eux-mêmes.

E. P. : Via ces structures, l’Homme est très présent, en creux, dans mes images. Dans un tel univers, il me paraissait d’autant plus important d’accorder de l’importance à cette singularité, j’ai envie de dire cette dignité, de l’animal. Comme l’a écrit Amina Danton, j’essaie de saisir ce qui reste encore vivant, malgré l’enfermement.

V. P. : Le sur-naturalisme de tes photographies induit paradoxalement, par la capture de l’artificialité des décors de zoo, une forme d’irréalisme. De sorte que, dans un texte introductif à l’un de tes ouvrages, Serge Tisseron se demande si tu as « eu recours aux immenses possibilités du numérique pour modifier la taille et la position des divers éléments qu[e tu] met[s] en scène », ou si tu as réussi « à trouver à chaque fois la distance juste » (2012). Quelles techniques mobilises-tu au service de ce qui te semble une « distance juste »?

E. P. : Je n’utilise aucune retouche ni montage numérique et me trouve exactement lors des prises de vue dans la même position qu’un visiteur ordinaire. La place que je voulais accorder à l’imaginaire m’a amené cependant à choisir certains décors particuliers, parfois complétement surréalistes. La distance « juste » a été pour moi empathique, respectueuse, de l’animal et de sa singularité. Cet animal, dans mes photographies, représente aussi l’Autre, que je regarde, mais que je laisse aussi me regarder.

Pour citer

POUILLARD, Violette. 2022. « Zoos », Captures, vol. 7, no 2 (novembre), section contrepoints « Passages ». En ligne : revuecaptures.org/node/6219/