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Dossier sous la responsabilité de
Cassie Bérard
Jean-Philippe Lamarche
Novembre 2018
Hubert Robert, Une galerie du Musée (1789)  
Musée du Louvres  
Huile sur toile | 65 x 81 cm  
Reproduction numérique | 1400 x 1113 px  

« Savoir que ce que l’on me raconte est réellement advenu m’a toujours fait frissonner », affirme le romancier Laurent Binet (2011: 82). On pourrait imaginer qu’il espère produire une réaction semblable chez les lecteurs de son roman HHhH (2009), dont l’intrigue se développe autour de l’attentat contre le nazi Reinhard Heydrich. Or, malgré l’affirmation de Binet quant à sa fidélité aux faits historiques, le roman lui-même établit un pacte plus nébuleux avec le lecteur, l’encourageant à mettre en question la prétendue exactitude historique1. Son titre même, HHhH2, un mélange de « H » majuscules et minuscules, signale que le texte opère sur différents niveaux de discours historiques, à savoir qu’il traite à la fois de l’Histoire avec sa grande hache, pour reprendre la formule de Perec (1972: 17), et de l’histoire, soit la vie quotidienne des individus qui tentent de survivre dans le tourbillon de l’Histoire. Le roman se place volontairement dans le sillage des polémiques qu’a suscitées la publication des Bienveillantes en 2006, faisant même une référence explicite à Littell avec une question sur la précision de sa documentation (Binet, 2011 [2009]: 307). HHhH est donc souvent jumelé avec Jan Karski de Yannick Haenel, tous deux parus en 2009, dans la mesure où ils illustrent exemplairement la relation tendue du roman contemporain avec l’histoire3.

Les Onze de Pierre Michon, un autre roman paru à la rentrée 2009, qui traite de l’espace liminaire entre l’histoire et la littérature, les faits et la fiction, est souvent survolé, voire ignoré, dans les discussions actuelles sur « L’histoire saisie par la fiction4 » (Collectif, 2011). Si dans la décennie qui a suivi la publication des Onze plusieurs articles universitaires ont interrogé les représentations de l’Histoire et du discours historique dans ce roman (Chassaing, 2014; Demanze, 2014; Mitterand, 2017; Savard-Corbeil, 2017; Yacoub Khlif, 2013), le texte n’a jamais été rapproché de HHhH ou Jan Karski. Pourtant, le roman de Michon introduit également un élément d’invention historique : au cœur du texte se trouve un tableau et un peintre imaginaires, contextualisés par un travail historique précis et minutieux. Patrick Boucheron explique cette mise à l’écart des Onze ainsi : « Ce qui fait scandale est bien, selon l’expression de Laurent Binet, d’inventer du nazisme. Tout le reste est permis : personne ne songe à s’indigner que Pierre Michon invente dans Les Onze une page de Michelet décrivant un tableau qui n’existe pas » (244). Selon Mathilde Savard-Corbeil, c’est grâce à cette dimension fictive que Les Onze est à même de contester les discours traditionnels de l’histoire : « Les Onze, en tant qu’œuvre d’art fictive, c’est la démonstration sans le risque, c’est l’exploitation de la supposition philosophique sans tomber dans le révisionnisme » (122).

À première vue, il semblerait qu’il n’y ait quasiment aucun point commun entre HHhH et Les Onze, hormis leur date de publication. En fait, les romans se rapprochent dans leur style de narration, avec un narrateur à la première personne qui se veut érudit en matière d’Histoire. Les narrateurs de Binet et de Michon mettent en évidence leur subjectivité, jalonnant leurs récits de commentaires métatextuels expliquant le cheminement qui les a respectivement amenés à se familiariser avec l’histoire qu’ils racontent. Comme ils n’ont pas vécu l’événement historique dont il est question, leur expertise s’enracine dans une étude approfondie de documents d’archives et de livres d’histoire, qu’ils citent longuement comme preuves pour ainsi renforcer leur autorité narratoriale.

Bien que le narrateur se présente comme expert, il reste toutefois difficile pour le lecteur de juger sa fiabilité. Comment est-ce que le lecteur d’un roman sait que ce qu’on lui raconte est réellement advenu, pour reprendre les mots de Binet que nous avons cités? La lecture de HHhH provoque une série de questions, que l’on retrouve également chez l’historienne Mona Ozouf :

Qu’est-ce qui peut ébranler la croyance du lecteur d’un récit, et appeler sa défiance? A-t-on des raisons de penser que cette défiance cède aujourd’hui, et à quoi? Enfin, entre les deux types de narration, le romanesque et l’historique, y a-t-il une irréductibilité absolue? (Ozouf, 2011: 14.)

Ozouf s’éloigne du roman de Binet dans son article, mais ses questions seront le point de départ de notre discussion des deux romans. Comment est-ce que les narrateurs tentent de montrer leur fiabilité? Comment et à quelles fins les lecteurs sont-ils amenés à questionner le récit qui leur est présenté?

Hubert Robert, Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines (1796)  
Musée du Louvres  
Huile sur toile | 115 x 145 cm  
Reproduction numérique | 2139 x 1644 px  

Les deux romanciers se tournent vers l’histoire afin d’y puiser l’inspiration, tant pour choisir le sujet de l’écriture que pour façonner le style. En suivant la tendance des romans historiques contemporains, Michon et Binet font preuve d’« un goût de l’archive » (Farge, 1989: 25) et parsèment leurs textes de citations issues de documents historiques. Une telle pratique fait tache, selon Ozouf : « Rien, du reste, ne fait mieux mesurer l’écart entre les deux modes de narration que cette note documentaire : quand elle apparaît dans un roman, elle provoque un petit séisme, c’est un coup de pistolet dans un concert. La vérification est étrangère au génie du roman. » (21.) Nous verrons que les citations créent effectivement une rupture dans le récit historique, forçant le lecteur à remettre en question non seulement la fiabilité des sources, mais également leur interprétation par le narrateur.

Dans HHhH et Les Onze, il semble que les citations de documents historiques soient incluses pour imiter, en quelque sorte, le style historiographique. D’après Roger Chartier, l’histoire est « un discours qui comprend en lui-même, sous forme de citations qui sont autant d’effets de réalité, les matériaux qui le fondent et dont il entend produire la compréhension » (93). L’écriture de l’histoire est donc une « écriture feuilletée », comme l’explique Michel de Certeau : « Se pose comme historiographique le discours qui “comprend” son autre— la chronique, l’archive, le document —, c’est-à-dire celui qui s’organise en texte feuilleté dont une moitié, continue, s’appuie sur l’autre, disséminée, et se donne ainsi le pouvoir de dire ce que l’autre signifie sans le savoir » (2012: 130-131). Selon de Certeau, l’écriture feuilletée devrait fonctionner « à la manière d’une machinerie qui tire de la citation une vraisemblance du récit et une validation du savoir. Elle produit de la fiabilité » (131).

Or, l’intégration de citations dans HHhH et Les Onze n’a pas toujours l’effet escompté. Les citations tirées des textes historiques et de sources primaires — journaux, lettres et peintures, entre autres documents — produisent plutôt un effet d’incertitude. En dévoilant les références qui constituent la base historique du roman, Binet et Michon encouragent le lecteur à se demander où se situent les frontières entre fait et fiction. Au lieu d’accepter que le texte est un mélange de faits historiques et de fioritures inventées, comme c’est le cas de tout roman historique, le lecteur est amené à se demander quelles parties du texte relèvent de l’histoire et quelles parties sont le produit de l’imagination, ainsi qu’à se confronter à la possibilité d’un détournement de faits avérés par le jeu de la narration non fiable.

La présence d’un narrateur à la première personne qui commente et analyse la documentation historique complique davantage l’usage des sources historiques dans ces romans. Comme l’explique Philippe Carrard, « la présence de l’énonciateur sous ses formes les plus visibles, soit celles de pronoms et d’adjectifs de la première personne au singulier, est l’un des traits les plus distinctifs de l’historiographie française contemporaine » (2013: 113). Or, par leurs commentaires, les narrateurs des Onze et HHhH dépassent largement le rôle normalement assumé par le narrateur-historien. Ils commentent leurs propres choix intellectuels, ainsi que les émotions que les documents historiques provoquent chez eux. Ces commentaires personnels dévoilent les incertitudes, les suppositions, les rêveries et les moments d’hypothèse, compliquant ainsi la tâche du lecteur. Cela crée tantôt un effet de fiabilité, tantôt un questionnement de leur statut d’expert. En dévoilant le travail herméneutique impliqué par l’écriture de l’histoire, les narrateurs mettent en lumière la dimension subjective de ce travail, encouragent alors le lecteur à questionner leurs analyses et à proposer leurs propres interprétations par la suite.

***

« Gabčík, c’est son nom, est un personnage qui a vraiment existé. » (Binet, 2011 [2009]: 9.) Ainsi commence HHhH, plaçant d’emblée le roman au carrefour de la littérature et de l’histoire, du réel et de l’imaginaire. L’usage du mot « personnage » plutôt que « personne » renforce l’idée que Gabčík est bien le personnage d’un roman, mais la déclaration qu’il « a vraiment existé » attire l’attention du lecteur sur l’aspect réel du personnage. L’identité du narrateur n’aide pas le lecteur à mieux placer le roman entre fait et fiction. Françoise Lavocat explique :

Genette et nombre de ceux qui, après lui, se sont penchés sur la question de la frontière […] affirment que les seuls critères décisifs de fictionnalité sont : l’adhésion sérieuse ou non de l’auteur à l’histoire dont il assume la responsabilité et garantit la véracité […]; l’identité ou la distinction, entre l’auteur et le narrateur. (2016: 38.)

Or, le narrateur de Binet propose une sorte de pacte quasi-autobiographique, laissant le lecteur dans l’incertitude quant au statut fictionnel de l’œuvre. Le narrateur ressemble à l’auteur, Binet — leurs compagnes ont le même nom et ils partagent un parcours professionnel similaire ainsi que des opinions comparables sur l’écriture du roman historique5 —, mais le narrateur ne se nomme jamais et ne remplit donc pas les exigences du pacte autobiographique, selon les critères de Philippe Lejeune (1975: 26).

Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre (1796)  
Musée du Louvres  
Huile sur toile | 115 x 145 cm  
Reproduction numérique | 3036 x 2412 px  

Pour le narrateur, les parachutistes sont les auteurs de l’histoire : « lui [Gabčík] et ses camarades sont, à mes yeux, les auteurs d’un des plus grands actes de résistance de l’histoire humaine » (Binet, 2011 [2009]: 10). Il n’est, prétend-il, que le chroniqueur qui leur rend hommage (10). Il critique les romanciers qui modifient, même légèrement, la suite d’événements historiques : « Tout le monde trouve ça normal, bidouiller la réalité pour faire mousser un scénario, ou donner une cohérence à la trajectoire d’un personnage dont le parcours réel comportait sans doute trop de cahots hasardeux et pas assez lourdement signifiants. » (Binet, 2011 [2009]: 68.) Il assure au lecteur que ce qu’il raconte s’est réellement passé. Il met en valeur sa propre enquête, détaillant les démarches de recherche qu’il entreprend et citant avec abondance une grande variété de sources historiques, entre autres les discours officiels, les journaux de Goebbels, les photographes, les extraits de journaux, les fiches biographiques, les mémoires de la femme de Heydrich, ainsi que des sources secondaires, comme les textes du grand historien de la Shoah, Raoul Hilberg (Binet, 2011 [2009]: 117).

Or, s’il semble au début de HHhH que le narrateur cherche à imiter l’écriture feuilletée des historiens et, ainsi, mettre en évidence la fiabilité de son texte, la procédure n’est pas observée jusqu’au bout. Le narrateur néglige souvent de donner la source de ses citations ou de dire s’il les a trouvées dans une archive ou les a prises d’un texte d’histoire. Il n’y a pas de bibliographie ni de listes d’archives consultées, et il n’y a qu’une note de bas de page, un commentaire sur une expression allemande qui se traduit comme « bouffer le tapis », supposément utilisée en 1938 en référence à Hitler en colère. La note de bas de page se termine ainsi : « je me suis renseigné et n’ai trouvé trace nulle part de cette expression idiomatique » (Binet, 2011 [2009]: 105). C’est beaucoup de travail pour un détail insignifiant, et, comme c’est souvent le cas dans ce texte, l’attention du lecteur est attirée loin des grandes lignes de l’intrigue pour se concentrer sur des points mineurs, tels que cette expression ou la couleur d’une voiture. Cette note de bas de page met aussi en question la fiabilité des citations historiques. Anthony Grafton explique : « Comme le crissement de la fraise du dentiste, le sourd murmure de la note en bas de page de l’historien rassure » (1998: 13). Cette unique note de bas de page crée l’effet inverse; plutôt que rassurer, elle déstabilise, renforçant la manière cavalière dont le narrateur cite les documents historiques6.

Le narrateur de HHhH affaiblit davantage la confiance de son lecteur avec les opinions qu’il émet sur l’usage qu’on fait du dialogue en histoire. Il affirme que « rien n’est plus artificiel, dans un récit historique, que ces dialogues reconstitués à partir de témoignages plus ou moins de première main, sous prétexte d’insuffler de la vie aux pages mortes du passé » (Binet, 2011 [2009]: 33). Il concède toutefois que, « s’ils ne peuvent se fonder sur des sources précises, fiables, exactes au mot près, [les dialogues] seront inventés » (2011 [2009]: 33). Il n’en néglige pas moins d’indiquer s’il s’agit d’un dialogue rapporté ou inventé. La situation se complique davantage dans la mesure où les personnages parlent l’allemand, le tchèque et l’anglais, alors que tous les dialogues sont rapportés en français, sans indication de source de traduction aucune de la part du narrateur. Vers le début du texte, il y a une scène où le narrateur discute du manuscrit avec un ami. Faisant référence à une partie où il raconte une série de conversations téléphoniques qui ont eu lieu durant la nuit des Longs Couteaux, il insiste : « Mais tu sais que chaque coup de téléphone correspond à un cas réel? Je pourrais te retrouver presque tous les noms, si je voulais. » (Binet, 2011 [2009]: 66-67.) Or, il choisit de ne donner ni noms ni références, laissant ses futurs lecteurs, tout comme son ami, perplexe. Le narrateur regrette de ne pas « être plus clair au niveau pacte de lecture » (2011 [2009]: 67), mais le seul pacte auquel il semble vraiment adhérer est celui de maintenir son lecteur dans le flou.

Hubert Robert, La Grande Galerie du Louvre (1794-1796)  
Musée du Louvres  
Huile sur toile | 37 x 41 cm  
Reproduction numérique | 702 x 613 px  

Même s’il affirme souvent que tout est ancré dans la recherche historique, il introduit des doutes en jalonnant son texte d’expressions légères, comme « pourquoi ai-je inventé cette phrase? Sans doute parce qu’il l’a vraiment prononcée » (2011 [2009]: 378). Si le narrateur ne conteste jamais les grandes lignes de l’histoire, il met constamment en question les détails historiques. Il donne, par exemple, des informations qui semblent être précises : « À 9 heures, enfin, le premier char allemand pénètre dans la ville » (2011 [2009]: 130), seulement pour revenir en arrière au début du chapitre suivant en affirmant, « en fait, je ne sais pas si c’est un char qui pénètre en premier dans Prague. Les unités les plus avancées semblaient être massivement constituées de motos et de side-cars » (2011 [2009]: 131). Il se montre aussi facilement influencé par des films et des romans, comme quand il doit préciser : « j’ai dit une bêtise, victime à la fois d’une erreur de mémoire et d’une imagination quelque peu intrusive. En fait, le chef des services secrets anglais, à cette époque, se faisait appeler “C”, et non pas “M” comme dans James Bond » (2011 [2009]: 59). Si le narrateur, qui est quasiment le sosie de Binet, n’est pas un narrateur non fiable, selon la définition technique de Wayne C. Booth7, il n’en reste pas moins qu’il donne souvent l’impression de se perdre dans son récit. Il se trompe à maintes reprises et se perd dans des détails insignifiants. En même temps, il revient sur ses dires pour se corriger, faisant ainsi preuve d’une forme de fiabilité.

Bien qu’il se méfie de la tendance des romanciers à « s’appuyer sur une histoire vraie, en exploiter au maximum les éléments romanesques, mais inventer allègrement quand cela peut servir la narration sans avoir de compte à rendre à l’histoire » (Binet, 2011 [2009]: 255), lors de la scène de l’attentat, point culminant du texte, le narrateur se laisse toutefois emporter par les événements historiques et propose sa vision des choses. Kubiš lance une grenade. S’ensuit une page blanche, comme si le texte lui-même était figé par le choc de l’explosion. Le narrateur transporte ensuite le lecteur dans la rue à Prague, décrivant la scène de l’attaque d’une manière traditionnellement romanesque, voire cinématographique. Pour Marie-Andrée Morache, Binet « décrit un réel digne d’un scénario de film et démontre que ce réel historique peut prendre rétrospectivement des allures de blockbuster hollywoodien » (2014: 128). Or, c’est justement à ce moment que le narrateur appuie aussi la dimension factuelle de son récit. S’il se place dans la rue, comme une sorte de témoin quelconque, il accentue toutefois sa subjectivité : « Une veste de SS, posée sur la banquette arrière, s’envole. Pendant quelques secondes, les témoins suffoqués ne verront plus qu’elle […]. Moi, en tout cas, je ne vois qu’elle » (Binet, 2011 [2009]: 353). Le narrateur peut décrire la scène, telle qu’il l’imagine, mais il ne peut pas inventer un happy ending pour Gabčík et Kubiš. Comme il le souligne, la vie réelle ne se déroule pas comme dans un film :

Pendant ce temps, Gabčík court toujours. La cravate au vent, les cheveux décoiffés, on dirait Cary Grant dans La Mort aux trousses ou Belmondo dans L’Homme de Rio. Mais évidemment, Gabčík, même très bien entraîné, n’a pas l’endurance surnaturelle que l’acteur français affichera dans son rôle extravagant. Gabčík, contrairement à Belmondo, ne peut pas courir indéfiniment. (2011 [2009]: 362.)

Gabčík, comme on le sait dès l’incipit, « a vraiment existé » (2011 [2009]: 9), et, si le narrateur veut raconter l’histoire réelle, il ne peut pas lui attribuer les poumons imaginaires d’un personnage interprété par Belmondo. Si, au cours du roman, le narrateur met en question la précision de détails insignifiants, comme la couleur de la voiture de Heydrich, sa sincérité est mise en évidence lors de sa description de la scène de l’attentat, surtout quand il souligne son impuissance à modifier le destin funeste de Gabčík et de Kubiš. Il ne peut pas les sauver par l’intervention d’un deus ex machina : « Quoi que je fasse, quoi que je dise, je ne ressusciterai pas Jan Kubiš, le brave, l’héroïque Jan Kubiš. » (Binet, 2011 [2009]: 421.) Malgré l’insistance du narrateur sur sa documentation historique, ce sont ses commentaires personnels qui pèsent le plus, comme il l’admet lui-même : « En même temps, j’ai dit que je ne voulais pas faire un manuel d’histoire. Cette histoire-là, j’en fais une affaire personnelle. C’est pourquoi mes visions se mélangent quelquefois aux faits avérés. » (2011 [2009]: 146.) Avec son pacte de lecture déstabilisant, il exige aussi une participation active et personnelle de la part de son lecteur, qui doit trier les informations données afin de créer sa propre vision de l’histoire.

***

Les Onze de Michon est un monologue prononcé par un guide au musée du Louvre, qui présente le célèbre tableau Les Onze, par François-Élie Corentin. Son interlocuteur est un Monsieur inconnu, sur qui on ne dispose d’aucun détail sauf qu’il est bien éduqué — il connaît le latin. Ce tableau, exposé en place privilégiée dans le Pavillon de Flore au Louvre, dépeint les onze commissaires le « Grand Comité de la Grande Terreur » (Michon: 43) : Robespierre, Saint-Just, Saint-André, Collot, et al. Si vous êtes déjà allés au Louvre sans avoir vu ce tableau, ce n’est pas que vous l’ayez manqué, ou même qu’il était en nettoyage, mais plutôt qu’il n’existe pas, à l’instar de son peintre. Au centre du roman de Michon, il y a donc une invention. Or, cette invention est encadrée de détails historiques exacts — les événements politiques décrits ont vraiment eu lieu et les personnes dans le tableau ont existé. Les faits sont donc mêlés à la fiction d’un bout à l’autre du texte, à tel point que le lecteur en vient à se demander si Corentin n’aurait pas réellement existé. La confusion est d’autant plus compréhensible que Michon a tendance à écrire des romans basés sur des personnes réelles8.

Hubert Robert, La Grande Galerie du Louvre en cours de restauration (c1798-1799)  
Musée du Louvres  
Huile sur toile | 42 x 55 cm  
Reproduction numérique | 724 x 546 px  

Le narrateur, guide spécialiste au Louvre, est présenté comme un expert qui raconte sans hésitation la biographie de Corentin, semble-t-il assez connue. Il affirme qu’« il était né on le sait à Combleux en 1730 » (Michon: 25) et étoffe son discours avec des faits qu’il a lus dans « les mille biographies » (45) de Corentin. Il fait référence aussi à d’autres sources, surtout si on considère les tableaux comme des sources historiques. Au tout début du texte, le narrateur affirme que, selon la légende, on peut voir Corentin, tout jeune, dans la scène peinte par Tiepolo des noces de Frédéric Barberousse, qui se trouve sur le plafond de la résidence de Wurtzbourg. On peut aussi, apprend-on, l’apercevoir, un peu plus âgé, parmi les témoins dans l’ébauche de David du Serment du Jeu de paume. Ces deux tableaux existent réellement, et on peut y voir les figures décrites — le petit page et, dans le David, « cette silhouette sans âge, chapeautée, oblique » (14). Michon fait référence à des peintures réelles, mais il hésite avant d’insérer Corentin, figure imaginaire, au sein de tableaux existants. Enfin, le guide se rétracte et admet que la légende est exagérée : « Cette identification a tout pour séduire, quand bien même elle serait une fantaisie : ce page est un type, pas un portrait » (14). Quant au David, « devant cet homme fiévreux mais calme, qui pourrait aussi bien être lui quant au visage, je suis plutôt de ceux qui prononcent le nom de Marat » (14). Or, même si Corentin n’apparaît pas dans ces peintures, l’idée prend racine chez le lecteur qu’il pourrait y figurer, ce qui participe à l’ancrer dans un monde réel, une époque tangible, et à l’associer aussi à une tradition de peinture précise.

Ce monologue du guide-narrateur, qui figure au tout début du roman, l’établit comme quelqu’un de fiable. Il admet son désir de vouloir placer Corentin dans ces tableaux, tout en convenant que ce dernier n’y figure pas. Quand il déclare, à deux reprises, l’« existence indubitable des Onze » (Michon: 24, 29), le lecteur est donc prêt à le croire. Il réaffirme plus tard qu’il se limite aux faits liés à Corentin, malgré la tentation pour des biographies plus romancées : « Je n’ose pas m’inspirer des bons faiseurs de romans qui nous le montrent » (Michon: 45). On accepte donc que, même si Corentin et son tableau sont inventés, dans la logique du texte, le narrateur est sérieux et fiable. Il critique même l’histoire officielle des Onze, expliquant que « le tableau fut commandé en nivôse — et non pas en ventôse, comme on l’a dit, comme on continue à le dire, parce que l’Histoire arrange les dates à sa façon; parce que l’après-coup est grand seigneur et a tous les droits » (77). À la différence du narrateur de Binet, le narrateur de Michon adopte un ton posé et mesuré. Il est donc fort probable que le lecteur ne se pose aucune question sur la véracité du récit quand le guide raconte l’histoire de la commande du tableau Les Onze.

Or, le lecteur aurait dû se méfier. A la fin de son récit, le narrateur des Onze révèle que cette histoire est une invention du célèbre historien Jules Michelet, « Monseigneur l’Après-coup en personne » (Michon: 117). En fait, il s’agit d’une double fiction. Michon fait de nouveau référence à des œuvres connues, cette fois l’Histoire de la révolution française, publiée par Michelet en sept volumes entre 1847 et 1853. Cependant, dans l’univers des Onze, Michelet a écrit neuf volumes de plus, qui incluent douze pages sur Les Onze. Selon le guide, le récit de Michelet sur la commission de la peinture est inspiré en partie par d’autres tableaux : une esquisse de Géricault dépeignant sa vision de la scène de commission, El tres de Mayo de Goya, « L’Officier de chasseurs de Géricault, une bataille de Rubens, les illustrations que fit pour Macbeth Füssli, ou la jument emblématique du Cauchemar de ce même peintre » (Michon: 124). Lors d’un entretien, Michon cite les mêmes tableaux, confirmant qu’il a prêté sa propre inspiration à ce Michelet inventé dans Les Onze :

Qui est Corentin? […] C’est un disciple de Tiepolo, qui a rompu avec le baroque, comme l’a fait Goya, par le caravagisme, sans devenir un néoclassique comme David qui est allé chercher des formes lumineuses et sculpturales dans l’Antiquité. Corentin, c’est Goya si la France avait eu la chance de l’avoir. (Michon cité par Alain, 2009.)

Michon effectue donc un rapprochement entre le travail d’historien, réalisé par le Michelet fictionnel, et son propre travail de romancier.

Si le guide fustige ceux qui ont pris ces douze pages de Michelet « pour argent comptant » (Michon: 119), la critique semble viser moins l’invention de la légende de cette commande, que la volonté de la présenter comme histoire. Le narrateur insiste sur la nécessité d’aborder tout récit historique avec, sinon suspicion, au moins méfiance, et de bien étudier les documents en considérant les interprétations multiples. Cette approche se montre particulièrement pertinente lorsque l’on analyse le tableau de Corentin qui, comme l’explique le narrateur, était justement un joker, peint pour permettre deux interprétations différentes : « Si Robespierre prenait définitivement le pouvoir » le tableau serait « preuve éclatante de sa grandeur et de la vénération qu’on avait toujours eue pour sa grandeur » (Michon: 108). Si Robespierre tombait, le tableau serait « preuve de son ambition effrénée pour la tyrannie » (108) et on prétendrait que c’était Robespierre lui-même qui l’avait commandé.

Michon met donc en évidence à quel point le contexte politique ainsi que les points de repère personnels influencent tout travail d’interprétation historique et littéraire, idée qu’il renforce avec une démonstration physique. Au Louvre, le tableau est couvert d’une vitre, et le narrateur encourage son intervenant à « [voir] comment le reflet change sur la vitre quand on se déplace un peu » (Michon: 57). La manière dont l’histoire est conçue et comprise dépend de la perspective de celui qui l’envisage. Dominique Viart revient sur l’idée des reflets dans son analyse des Onze : « Le texte est retors, qui mêle le vrai et le faux, bien sûr, comme l’ont toujours fait les “romans historiques”, et joue par surcroît de multiples effets de miroirs : entre histoire du tableau et tableau de l’Histoire; entre la toile du peintre et le peintre reconnu sur la toile — ou sur la fresque […]. » (216.) Le lecteur qui lit Les Onze est comme le visiteur au Louvre qui se place devant le tableau éponyme : les reflets changent selon sa propre perspective. Tout comme le tableau se prête à une multitude d’interprétations, le roman invite à un travail d’imagination et d’interprétation.

Dans Les Onze, Michon émet une critique du discours historiographique officiel, lequel veut imposer un récit fixe : « L’Histoire, véhicule permanente de la terreur, mais aussi l’histoire, avec un petit h, genre terroriste, en somme, puisqu’il s’écrit pour imposer un discours de vérité », comme l’observe Henri Mitterand (313)9. Toutefois, Michon ne pose pas en révisionniste et n’essaie pas de vraiment tromper le lecteur. Le cadre de l’histoire — c’est-à-dire l’enchaînement d’événements politiques et la mise en récit de personnages historiques— sont en accord avec l’histoire factuelle, mais Michon propose de les aborder d’une perspective nouvelle. Les documents historiques inclus dans le texte servent à ancrer le récit dans un moment historique particulier et à lui conférer un air de fiabilité. Plutôt que de se limiter aux faits documentés, Michon prend les archives comme point de départ pour son inspiration. Comme l’écrit Souad Yacoub Khlif, « [i]l ne s’agit ni d’Histoire, ni de fiction, comme des opposés, mais d’une hybridation magique située sur la frontière indécise et mouvante du monde inventé et du monde réel » (92). Le roman, avec son mélange de faits et de fiction, encourage, voire exige, la participation active du lecteur, qui doit, lui aussi, explorer des interprétations multiples. Les Onze, le texte, est déjà le produit de l’imagination de Michon, mais, en ne décrivant jamais Les Onze, le tableau, il fait du lecteur un partenaire d’écriture, dans la mesure où ce dernier élabore et développe sa propre conception du tableau au fil de la lecture.

Hubert Robert, La Grande Galerie du Louvre après 1801  
Musée du Louvres  
Huile sur toile | 33,5 x 42 cm  
Reproduction numérique | 2000 x 1602 px  

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HHhH et Les Onze jouent sur le désir du lecteur de croire aux propos des narrateurs, tout comme ces derniers aimeraient croire à leurs visions imaginaires de l’histoire qu’ils racontent : « on veut bien le croire », écrit Michon (125), ou encore « je veux le croire », confie Binet (2011 [2009]: 9). Or, les romans laissent le lecteur dans un état d’incertitude, situation qui se complique davantage par la présence des citations de documents historiques qui jalonnent le texte. L’usage de ces références historiques ne produit pas un effet de fiabilité, mais il ne se cantonne pas non plus à la production d’un simple effet de vérité. Pour reprendre à notre compte la formule de Roland Barthes (1968: 88), il ne s’agit pas pour autant d’affirmer simplement : nous sommes la vérité historique.

Les documents d’archives sont plutôt un point de départ ou une source d’inspiration. Dans son analyse des Onze, Laurent Demanze note que « [l]e récit oppose en somme deux modes d’énonciation du savoir : la lettre morte, étayée sur une pensée héritée de l’Aufklärung, au risque de l’abstraction et de la positivité étroite, et la fabulation du bonimenteur, qui soumet l’impératif de vérité au plaisir de dire […] » (79), commentaire qui résonne aussi avec HHhH. Dans les deux romans, c’est justement la tension entre les documents historiques et le commentaire métatextuel du narrateur qui anime le texte. Si Michon se précipite dans l’invention d’un tableau fictif, Binet se limite aux faits historiques vérifiables. Les archives offrent toutefois un terrain fertile aux diverses possibilités d’interprétation, elles-mêmes soulignées par les commentaires des narrateurs. Ces derniers correspondent à la définition même du chercheur en histoire dans la mesure où leurs connaissances s’ancrent dans des lectures approfondies de sources historiques. Mais ces narrateurs sont également des chercheurs d’histoires dans le sens idiomatique de l’expression, puisqu’ils troublent et déstabilisent le lecteur tout en le poussant à participer au travail d’interprétation et de reconstitution historique.

  • 1. Binet revendique derechef sa passion pour le réel historique lors d’un entretien avec Philip Watts (2013).
  • 2. Les quatre H font référence à l’expression « Himmlers Hirn heßt Heydrich — le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich » (Binet, 2011 [2009]: 179-180).
  • 3. Voir les numéros « L’histoire saisie par la fiction » du Débat (Collectif, 2011) et « Savoirs de la littérature » des Annales HSS (Collectif, 2010).
  • 4. Le numéro du Débat consacré à cette question (mai-août 2011) s’attarde beaucoup plus à HHhH et Jan Karski qu’aux Onze.
  • 5. On connaît les opinions de Binet au sujet du roman historique grâce à son article dans Le Débat et son entretien avec Philip Watts. L’information biographique à laquelle nous nous fions provient de son texte plus explicitement autobiographique, La vie professionnelle de Laurent B. (2004).
  • 6. Nathan Bracher relève aussi chez Binet une tendance à profiter du travail des historiens sans mentionner la source de ses informations, une pratique qui contribue à mettre en question l’exactitude de ses commentaires historiques : « Binet omet de reconnaître tout ce qu’il doit à ces historiens professionnels. Or ces connaissances ne tombent pas du ciel, ni ne viennent pas toutes, loin de là, des recherches que Binet a lui-même effectuées. Si on se veut respectueux de la vérité historique et fidèle aux détails, on cite ses sources par rigueur et loyauté intellectuelles » (108).
  • 7. Rappelons que, pour Booth, un narrateur non fiable s’éloigne des normes de l’œuvre et de son auteur (93).
  • 8. Comme le note Souad Yacoub Khlif : « Avant Les Onze, Michon a consacré cinq récits à des vies de peintres réels. » (90.) L’intérêt que porte Michon pour les archives est également bien documenté (Demanze, 2014; Sheringham, 2010).
  • 9. Voir aussi Chassaing, Demanze, Savard-Corbeil, Yacoub Khlif.
Pour citer

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